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Tous les journaux du monde vont en parler à partir du printemps prochain: non, ce n‟est pas de la présidentielle française, mais de la Conférence mondiale sur le Développement durable qui se tiendra au Brésil du 4 au 6 Juin. L‟événement marquera le 20ème anniversaire de la CNUED de Rio de Janeiro, et le 10ème du Sommet mondial sur le Développement durable qui s‟est tenu à Johannesburg, donc, en 2002.

Trois jours pour résoudre les problèmes de mal développement de la planète, c‟est court. Mais cette Conférence 2012 (« Rio+20 » dans le jargon international), coûteuse, risque d’être un échec, sauf si des changements profonds se produisent d’ici là. Contrairement à Rio 1992, “Rio + 20” comme tou(te)s les branché(e)s l‟appellent, ne verra pas un afflux record de Chefs d‟Etat et de grands dirigeants mondiaux. Il se dit qu‟à Rio en 1992, on a connu la plus grande concentration de Chefs d‟Etat de l‟histoire de l‟humanité. On en verra beaucoup moins en 2012 et les pays envoyant leurs premiers ministres en plus de leurs ministres de l‟environnement ne seront même pas forcément légion. Un événement majeur et des tendances lourdes se sont mutuellement renforcés pour “plomber” cette Conférence:

– Les effets du 11 septembre 2001 étaient encore peu profonds à Rio + 10, qui était pourtant décevant par rapport à la Conférence de 1992: c‟est progressivement que celles et ceux qui croyaient auparavant que les grandes déclarations et les bonnes intentions des riches Occidentaux suffisaient à garder les pauvres des pays pauvres en situation de dépendance et de reconnaissance ont déchanté. Après le 11 septembre 2001, il est devenu clair que les pauvres réclamaient leur part et ne se contentaient pas de miettes envoyées volontairement, au compte-goutte, et parfois même détournées avant même d‟arriver sur le terrain (le fameux “syndrome du Colorado”),

– Plusieurs des grandes ONG de protection de l‟environnement, en France comme dans le monde, („les “Big NGOs, BINGOs”) se sont fait épingler pour manque de transparence de leurs comptes financiers ou pour usage de soutiens de compagnies douteuses sur le plan environnemental (EDF pour la Fondation de Nicolas Hulot, par exemple), mettant ainsi à mal la perception publique des “bonnes ONG” contre les “méchantes institutions internationales”,

– Au niveau mondial, le thème du dérèglement climatique a fait une OPA sur les autres grands thèmes du développement durable, en particulier la protection des océans et de la biodiversité. Cette domination par un thème complexe et encombrant – car réclamant des solutions globales que personne ne maîtrise ni même ne veut maîtriser – a eu un grand nombre d‟effets pervers: clivages au sein de la communauté scientifique, manque de lisibilité des débats pour le grand public, possibilité pour les pro-nucléaires de réclamer une part du gâteau au motif – faux – que le “nucléaire n‟émet pas de CO2, apports de financements considérables au nom de l‟urgence de l‟intervention avec insuffisamment de systèmes de contrôle de l‟utilisation de cette nouvelle manne, et donc risques importants de malversations au nom d‟une noble idée. Pendant que l‟attention est focalisée sur le dérèglement climatique, les pertes de biodiversité continuent de manière alarmante et touchent beaucoup les pauvres; les océans deviennent la nouvelle frontière et le lieu de toutes les convoitises: production alimentaire, énergétique, minérale, avec tous les associés,

– Les puissantes émergentes: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (institutionnalisées comme les “BRICS” et qui, incidemment, abritent la moitié de la population mondiale) sont en train, à coup de taux de croissance économique compris entre 6 et 9% l‟an, de révolutionner les rapports de force mondiaux:: corruption, croissance et accumulation d‟actifs, y compris accaparement de terres au sein des pays les plus démunis sont trois de leurs fers de lance. Parlez-leur de protection locale de l‟environnement et, au mieux, ils garderont un silence embarrassé,

– La mondialisation est attaquée de partout et la nouvelle école de la “démondialisation” fait des émules un peu partout. Il est vrai que peu de personnes ont pris la mesure d‟un monde où tout va partout et très vite et où il y a plus de points communs entre un riche Portugais et un riche Pakistanais qu‟entre un riche Français et un pauvre Français

– L‟ultralibéralisme économique et les extrêmes populistes triomphent de plus en plus: mettre des barrières, même légères et légitimes, à la croissance est de plus en plus mal perçu et les grandes (à supposer qu‟elles aient été bonnes) intentions du Grenelle de l‟environnement en France se délitent dès que le réel frappe,

– Enfin, l‟affaiblissement des gouvernements et en particulier la presque universelle “chasse aux fonctionnaires” n‟aident pas à la mise en place de protections effectives de l‟environnement et des populations vulnérables, protections qui relèvent plus de politiques de développement „soft” que d‟aménagement “hard”. C„est un constat bien pessimiste, mais fondé sur une histoire et beaucoup d‟espoirs déçus. Bien entendu, la vie continue, des pays comme la France sont beaux, peu pollués, aux risques du nucléaire près et ont un patrimoine naturel en bonne santé; les BRICs, tout doucement, comme le secteur privé international, apprennent, bien souvent à la dure, qu‟ils ont une “responsabilité sociale et environnementale”. A ce titre, l‟arrivée de la norme ISO 26000 sur la RSE est une bonne nouvelle, tout comme le sont le refus de la corruption des élites politiques par le printemps arabe; les extrémismes religieux vont peut-être se diluer dans les “queues de comète” des grandes religions…. Donc, même si Rio + 20 est un flop, il y aura une vie après Rio + 20 et même Rio + n.

Mais si, en fait, en osant le matricide, c‟était le concept même de développement durable qui était en question? Oui, Mme Brundtland a eu une intuition géniale en 1987 en mariant développement économique et protection de l‟environnement. Oui, cette fusion a aidé et influencé les militants et les professionnels pendant 25 ans, mais le concept de développement durable, extrêmement technique et biaisé “environnement naturel”, trop absolu et trop détaché d‟un projet politique au sens noble et originel du terme, n‟a-t-il pas assez vécu et été institutionnalisé pour que nous puissions songer à une nouvelle révolution de paradigme? Personnellement, je tiens pour la mise en place d‟un développement plus inclusif, un mode de développement à objectif relatif et progressif dans lequel, consciemment, on implique systématiquement et honnêtement de plus en plus de parties prenantes, avec des règles du jeu robustes et transparentes, dans tous les moments clés de la décision, du suivi et de l‟évaluation des politiques collectives (publiques et des grandes entreprises privées): un peu la démocratie suisse, la propreté réelle en plus.. Voici quelques changements qui permettraient de sauver Rio+20 : une meilleure transparence des financements des grandes ONG environnementales, un rééquilibrage des thèmes environnementaux mondiaux (la fin de la suprématie du dérèglement climatique), une prise de conscience par le Brésil, la Russie, l‟Inde, la Chine et l‟Afrique du sud de l‟impérieuse nécessité de lutter contre leurs propres pollutions et leur corruption endémique, la formation d‟un vrai partenariat public-privé pour le développement durable. Il est peu probable que ces changements se produisent avant la Conférence ; il faut cependant, pour celles et ceux qui le peuvent, se rendre au Brésil en juin prochain, avec un esprit ouvert et sans craindre de remettre en

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